Joue, écrit, lie

Noémie
Herubel

De ses six à ses dix huit ans, Noémie découvre et pratique le théâtre à Bourges avec l’atelier amateur de la Les Yeux d’Encre, animé par Mathilde Kott.
À douze ans, elle décide de régler une fois pour toutes la question de son avenir professionnel. Elle hésite entre psychologue, écrivaine, et comédienne. Elle choisit le jeu.
Elle s’y forme à Paris, au Conservatoire du 18e arrondissement, avec Jean-Luc Galmiche.

De 2013 à 2015 elle lit beaucoup de livres en peu de temps, dans une classe préparatoire littéraire au Lycée Fénelon, puis à La Sorbonne Nouvelle, qu’elle quitte avec une licence.
À vingt ans, elle découvre par deux chemins qu’il est possible et joyeux de jouer et créer dans la rue : comme comédienne, au Festival d’Aurillac, et comme assistante à la mise en scène auprès de Marie-Do Fréval, dans la Cie Bouche à Bouche (Paris 14).

Elle décide de ne pas se remettre de ses émotions, et travaille dès lors en salle, en rue, et en espaces non dédiés. D’une aventure à l’autre, elle glane des outils du clown, de la marionnette, et découvre les enjeux de la création collective et de l’écriture de plateau. Elle fait notamment équipage avec les artistes de la Cie Plante Un Regard, de la Cie La Portée, de la Cie de l’Archée, du Collectif Toter Winkel,…

En 2017, elle tend les bras et porte son premier projet, avec la compagnie Plante Un Regard : Kadi et ses vies antérieures. C’est un duo clownesque pour la rue, qu’elle a écrit, et dans lequel elle joue également. Pour la première fois, un spectacle lui fait voir du pays.
Une fois rentrée chez elle, dans le nord de Paris, elle choisit la mobilité douce et voyage à portée de tramway. À l’arrêt Porte Montmartre, elle pousse toutes les portes de l’avenue côté pair, et démarre ainsi sans s’en rendre compte un travail de territoire.
Pendant quatre ans, elle anime alors des ateliers théâtraux et clownesques pour des enfants, des adolescents et des adultes dans des centres d’animation, des centres sociaux, des écoles, et des IME. Acoquinée de l’autrice et metteuse en scène Mélissa Bertrand (Compagnie de l’Archée) et de la dessinatrice et éditrice Ana Mejia Eslava (Les Editions du Carnet d’or), elle co-conçoit, co-porte, et co-anime des projets d’action culturelle pluridisciplinaires en intérieur et en extérieur. S’il fallait en citer un, ce serait Lever Dormance (Ce jardin qui est le nôtre) : un labo de création en espace public, mené de 2021 à 2023 avec des adolescent·e·s en situation de handicap, en itinérance dans des parcs et jardins des villes de Paris et de St Ouen.

Noémie aime les aventures humaines, artistiques, singulières et engagées, qui s’inventent aux lisières. Elle participe par exemple au G.E.L (Groupe d’Entraide Locale) du Collectif Toter Winkel (Reims) ou au projet Je suis Baal mené par la Cie Fictions Collectives (Pantin), avec Marie Mortier. Elle est aussi une alliée du mouvement ATD Quart monde.

À trente et un ans, voilà ce qu’elle pense savoir de son travail :
La joie, l’humour et un goût pour la convivialité la guident et lui permettent de s’engager sans trop de peur dans les profondeurs où la lumière vient parfois à manquer.
Elle soigne son penchant pour la prise de risque et la spontanéité, en préférant la vulnérabilité de l’instant présent aux réalisations trop chiadées.
Elle a besoin de rencontrer des gens là où elle n’était pas attendue, et souhaite aider à créer des espaces partagés pour celleux dont les chemins n’étaient pas destinés à se croiser.
Elle aime ce qui brouille les lignes de la fiction et de la réalité, de la création et de sa production, de l’aventure humaine et de la représentation.

En entrant à la FAI-AR elle souhaite creuser ces dimensions, en découvrir de nouvelles, et s’acoquiner de nouvelles aventurier.e.s pour explorer ensemble les possibilités du hors cadre.

Parallel Lines

Parallel Lines est le Projet Personnel de Création porté par Noémie, entre septembre 2024 et mai 2025, dans le cadre de la formation supérieure.
L’interview ci-dessous a été réalisée et retranscrite en mai 2025 par Julie Bordenave.

Depuis toujours habitée par le goût du récit en strates et l’élaboration de mondes imaginaires, Noémie Herubel imagine Parallel Lines pour donner corps à une communauté fictionnelle, qui se déploie sur un territoire pour tenter d’entrer en contact avec la nôtre. Entourée de son équipe pluridisciplinaire (jeu, son, dessin et édition), elle crée un univers étrange et décalé, régi par ses propres codes et règles. L’agence de voyages Parallel Airlines, l’une des émanations de cet univers, propose au spectateur, intronisé voyageur, de naviguer entre plusieurs dimensions. Telle une administration omnisciente, le Bureau d’archivage de l’infini des possibles régit quant à lui les trajets et destinations. Différents dispositifs – immersifs ou spectaculaires, en solo ou en collectif – offrent à vivre des expériences énigmatiques et surprenantes, souvent à la rencontre de possibles incarnations alternatives de soi. Parmi eux : Entretien avec son double propose au spectateur de s’adresser à un autre lui-même via un message enregistré, activant des processus d’identification réciproques pour interroger notre rapport à l’altérité et aux identités multiples, voire à l’existence d’autres mondes. Pensé pour un lieu non dédié, ce tête-à-tête se prévoit dans un cadre intimiste, voire le long d’un dédale de plusieurs pièces (médiathèque, MJC…). 

Autre dispositif : un jeu s’imagine entre deux personnes d’apparence distinctes, recouvrant en réalité la même identité. D’une durée de 5 à 40 minutes, ce protocole se destine à un lieu passant, type place de marché. Enfin, un spectacle déambulatoire en cours d’écriture, offre une autre fenêtre sur cette société alternative, ses ressorts et ses représentants. Ces modules peuvent être présentés de manière autonome. Ils peuvent aussi investir un site, déclinant au fil des jours diverses modalités de rencontres avec ces personnages appartenant à un monde différent. Au gré des expériences, la fiction se complexifie, et tisse un réseau démultipliant les manières d’écumer ce champ des possibles. Les formes peuvent coexister simultanément, ou bien suivre le fil d’un récit jusqu’au spectacle de clôture venant dénouer les enjeux dramaturgiques. Cette épopée protéiforme, introspection symbolique à la découverte d’autres soi-même, s’agrémente d’un univers visuel et d’une charte graphique rétro futuriste : tampon, machine à écrire, enregistreur, cassette… 

Quelles dimensions vous intéressent particulièrement dans la création en espace public ?
La liberté formelle qui permet de s’affranchir du cadre de l’espace-temps classique de la représentation. Inventer un dispositif pour repenser la relation au spectateur.rice à chaque expérience de création, entre en écho avec mon appétence pour les écritures intriquées, entre réalité et fiction. Un millefeuille d’enjeux et de moyens de les mettre en œuvre !

De quelle manière votre approche dans ce domaine a-t-elle évolué au cours de la formation ?
Les projets de territoire m’ont permis d’expérimenter différentes modalités de présence, à partir desquelles créer. J’ai aussi pu éprouver, via des protocoles de direction de performances, la manière d’inventer une expérience exclusivement pensée pour un endroit et un public. 

Quelles prochaines étapes envisagez-vous pour la suite de votre travail de création ?
J’imagine un protocole de résidence de plusieurs jours, me permettant d’avancer en parallèle sur les formes : écriture de la déambulation, mise au point de dispositifs pour petites jauges, avec convocation publique.

Présentation vidéo du projet

Interview et captation vidéo réalisées lors des Esquisses, en mai 2025.
Ces Esquisses sont des présentations de maquettes des Projets Personnels de Création menés pendant la formation supérieure de la FAI-AR.

Photo projet : ©DR | Texte projet : ©Julie Bordenave | Vidéo esquisse : ©Smelly Dog Films