Traductrice

Julie
Romeuf

J’utilise les cartes dans mon premier métier de logisticienne. Ma position est fixe, derrière l’ordinateur. La carte est le média qui me permet d’accéder au monde. Sur un bien-entendu, je bifurque, je change de route, je commence le théâtre. Il y est question de langues, de mots et d’adresses ; d’urgences et de transgressions.

Ça me séduit. La cartographie s’infiltre alors dans ma manière de regarder, de représenter, de partager. La question du vivre ensemble est centrale. Naît l’idée de « traduire ». Traduire est un mouvement pour aller de l’un à l’autre, passer au travers, aller vers. Je me pose d’abord des questions de frontières et de terres. Puis, en écoutant une émission de radio sur la mémoire, je découvre les cellules grises : des cellules constituant un système de positionnement dans le cerveau sous forme de cartes internes. Ces cellules-cartes répertorient en chaque point précis dans l’espace nos émotions, impressions de volume, de lumières, humeurs etc. Elles participent ainsi au fonctionnement de la mémoire et régissent notre rapport aux lieux. Depuis, je cherche les moyens de traduire les cellules grilles des lieux qui nous accompagnent ; les familiers et les imaginaires pour

dire ce qu’ils racontent de nous : individu, habitant.e, citoyen.ne, société. Mon désir profond est de saisir le témoignage personnel et particulier d’un endroit de manière si fine qu’il donnera à tout.e spectateur et spectatrice une impression de déjà-vu, de familiarité, de connaissance, de souvenir pour faire mémoire commune à partir du tissage de points précis dans l’espace.

Intention artistique

Aller, ailleurs. Pourquoi ? C.L.E.A. Agglomération de Valenciennes marainné par Le Boulon C.N.A.R.E.P. à Vieux Condé (59)

Un besoin – comme d’enlever un caillou dans la chaussure – de traduire une zone dont on peut tracer les contours avec le doigt sur une image plate. Partir de la conviction que cette image plate a plus à dire que des données. Se dire que le vivant, les arts vivants sont le seul média à même de dire les sourires croisés, les histoires racontées, la brume qui tente de rentrer par la fenêtre et le pépiement d’oiseaux du moteur de la voiture. Partir de nous, de notre expérience concrète, de nos semelles plutôt que d’une analyse qui regarde d’en haut. Peut-être parce que le pays est plat et qu’il nous invite à une exploration en profondeur pour révéler les reliefs.

Traduire pour dire autrement, à la manière d’une carte. Une carte dit en couleurs, en traits, en épaisseur. Elle dit beaucoup et souvent c’est une invitation au voyage. Cette fascination commune pour le récit et pour les individus qui le peuplent nous a réunit. La cartographie devient une méthodologie plus qu’une restitution.

C’est un média pour faire spectacle. La carte est un discours et nous aimons raconter des histoires.

Celle-ci commence avec des recherches, des lectures et des intuitions mêlées. Comme la traductrice ou le traducteur essayera de comprendre un texte avant les mots, notre exploration a commencé à fleur de sol. Peut-être, parce que certain.es disent que c’est ici qu’est née l’expression « manger les pissenlits par la racine », dans les mines. Ici, c’est le Nord, le bassin minier, le Valenciennois. Un pays humide drainé de rivières, de marais, parcouru de canaux et arrosé par la pluie.

Création en cours : Ça te regarde / Sortie prévue 2021-2022