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Cartographe de l'intime

Olga
Mathey



Née à Toulouse en 1990, Olga Mathey est brodeuse, auteure et performeuse.
À ses yeux, les creux des corps abritent des lacs, et les corps eux, sont les fragments d’un paysage en perpétuelle mutation.

En 2008, elle s’installe à Bruxelles et développe un malin plaisir à cultiver la brêche/l’inattendu/l’accidentel, ce qui explique sa nécessité de broder à vif sans motif prédéfini, ainsi que son attrait pour la performance et les formes hors-cadre.
Une échappée d’un an au sud du Mexique en 2013 confirme son goût pour les rituels, les femmes fortes et les catcheurs en combi lycra ultra-moulantes.
Elle y rencontre le collectif féministe La Botica avec lequel elle expérimente sa première forme performée en espace public.
Dès lors, elle puise sa matière première de création dans la collecte de témoignages, monte des Laboratoire de Recherche et d’Expérimentations sur les Curiosités Érotiques, intervient comme plasticienne de plateau au sein du collectif RAS, co-crée des fêtes sauvages au coeur des bois et avoue entretenir une brûlante obsession pour la montagne et la poésie du BTP.
Sous des airs – à première vue – bien léchés, son travail se révèle terreux/orageux/brut /viscéral. Il interroge les dualités, masculin/féminin, attirant/repoussant, naïf/obscène, pour mieux les décloisonner.

En 2018, elle crée CABANE//MURMURE, une forme scénique où elle oralise ses textes accompagnée de la bruiteuse Anne Collet et du musicien Frédéric Becker. Ensemble, ils échafaudent des paysages sonores et anatomiques qui font rougir le silence.Tout se mélange, on ne sait plus ce qui est à qui, combien de mains baladeuses et qui est dans qui.
À eux trois ils sont un chantier en construction.

Ce qui transpire

Ce qui transpire est le Projet Personnel de Création porté par Olga, entre septembre 2022 et juin 2023, dans le cadre de la formation supérieure.
L’interview ci-dessous a été réalisée et retranscrite en juin 2023 par Julie Bordenave.



Où se situent les prémices de ton projet ?
Le fil de ce travail a démarré par une pratique de la broderie érotique, motivée par des questions intimes féministes. Durant une année passée au Mexique en 2013, je me suis initiée aux techniques textiles locales, tout en profitant des temps de pratique pour parler avec les femmes de leur rapport au corps et à la sexualité. Après une performance de rue brodée collectivement sur plusieurs jours, le projet s’est peu à peu muté en cartographie de l’intime, projet que j’ai poursuivi à mon retour à Bruxelles. En 2019, naît CABANE/MURMURE, un trio au sein duquel je porte mes textes en compagnie d’une bruiteuse et d’un musicien. J’ai désormais envie d’aller éprouver ces thématiques au contact du réel grandeur nature. Dans Ce qui transpire, tout part du lieu.

Tu aimes jouer avec le double sens ?
J’aime creuser l’étymologie des mots. À la FAI-AR j’ai d’abord voulu travailler sur le débordement, qu’il soit social dans l’espace public, ou qu’il évoque des corps qui débordent d’une norme établie… À ensuite émergé le désir d’une marche nocturne en montagne, portée par l’idée d’utiliser d’autres sens que la vue. Ce cheminement transparait dans mon projet actuel : une science-fiction utopique éco-queer, au sein de laquelle des personnages se transforment en paysage, une hybridation rendue visible grâce à un travail de costumes qui se transforment à vue. Leur arrivée dans un espace trouble le lieu au sens propre, le fait rougir, le met en émoi ! Les matières et surfaces se mettent à vibrer, à soupirer, par le biais de mécanismes artisanaux, d’une spatialisation sonore, d’un travail sur la réflexion de la lumière… Inspirés à l’origine par le cruising – pratique de drague homosexuelle anonyme dans l’espace public – nous avons travaillé sur la manière de se fondre dans un espace et de tout à coup dévoiler une extravagance. Comme chez les espèces animales, qui oscillent entre camouflage et excentricité pour séduire leur partenaire !

Cette trame narrative constitue une invitation à délier l’imaginaire ?
Oui, mais aussi à imaginer de nouvelles modalités de relations aux espaces et aux espèces avec lesquel·le·s nous cohabitons. Notre protocole de création de personnages intègre la recherche d’un répertoire d’images, de gestes, de lumières, de sons. L’équipe avec laquelle je travaille est avant tout technicienne, elle s’est peu à peu vue devenir performeuse à l’intérieur de cette utopie collective, au point de faire naître un trouble intime entre personnage de fiction et personne réelle. Il y a quelque chose de jouissif à s’envisager comme multiple, dénué de questions de genre ! La rencontre étant indispensable à mon travail, j’aimerais qu’elle soit possible sous forme de laboratoires d’expérimentations donnés en équipe.

Présentation vidéo du projet

Interview et captation vidéo réalisées lors des Esquisses, en juin 2023.
Ces Esquisses sont des présentations de maquettes des Projets Personnels de Création menés pendant la formation supérieure de la FAI-AR.