Urbaniste à cordes

Malou
Malan



Française, née en 1991. Entre l’âge de 6 et 18 ans, Malou a entrepris le conservatoire de danse (classique et contemporaine) et de musique (violon et chorale) en parallèle de son cursus scolaire. Après le lycée, elle effectue des études d’architecture à l’ENSA de Toulouse, l’Université Polytechnique de Valencia en Espagne et l’ENSA de Paris-La-Villette pour devenir Architecte Diplômée d’État (option scénographie). S’ensuit une année d’expérience professionnelle dans un bureau d’étude en ingénierie des espaces publics, après laquelle elle reprend ses études pour obtenir un deuxième master II en urbanisme, à l’Institut d’Urbanisme de Lyon.

A l’issue de l’obtention de ces deux diplômes, elle devient, pendant 4 ans, assistante-urbaniste, puis jeune cheffe de projet urbaniste, dans l’agence Tekhnê à Lyon, sur des projets NPNRU, des projets de revitalisation de cœur de ville, des projets de renaturation de rivière…

En parallèle, elle poursuit en pointillé sa pratique de la danse et du violon avec sa participation à des spectacles de la Cie La Machine en tant que machiniste-violoniste, depuis 2009 ; avec la co-fondation du collectif auto-géré amateur Danse La Rue, en 2019 et avec la participation à des spectacles de la Cie de danse Actes à Lyon, depuis 2018.

Je ne vois pas de différence

Je ne vois pas de différence est le Projet Personnel de Création porté par Malou, entre septembre 2022 et juin 2023, dans le cadre de la formation supérieure.
L’interview ci-dessous a été réalisée et retranscrite en juin 2023 par Julie Bordenave.

Comment bifurques-tu de l’architecture à la création en espace public ?
J’avais besoin de tisser une relation plus concrète, plus humaine et plus sensible à l’espace. Une question m’habite depuis l’adolescence : comment nos espaces de vie façonnent-ils notre rapport à nous-même et aux autres ? En tant qu’urbaniste, j’ai travaillé sur de nombreux projets notamment pour des Quartier Prioritaire de la Ville. Ces expériences professionnelles ont confirmé ma conscience que les politiques de la ville ne font que renforcer les inégalités sociales et spatiales. Parallèlement, j’ai nourri des engagements écologiques et cofondé le collectif Danse la rue. Durant le Covid, j’ai affirmé une écriture slam, musicale et rythmique, et continué de pratiquer la photo, affinant mon regard sur le bâti, les détails de matières, les mouvements urbains… En arrivant à la FAI-AR, je sentais que je voulais faire de la ville et les êtres qui l’habitent mon sujet de recherche artistique.

De quelle manière émerge le concept d’« hôpital humain – urbain » dans ta démarche ?
Autour de la notion de soin, il creuse la corrélation entre les êtres vivants abîmés, à traiter et les bâtiments éventrés, à réparer… Un jour, la vision de bâtiments en travaux, dont certains recouverts d’un grand drapé, m’a donné l’impression de patients dans des lits d’hôpitaux. Plus tard, un bâtiment en chantier m’a rappelé un corps éventré. On parle d’ailleurs « d’opération urbaine » ! De là est née l’envie d’explorer les parallèles entre corps humains, corps bâti et corps social ; la manière d’habiter, d’être habité·e et de faire société, tout cela en lien avec les politiques urbaines. Via un jeu de matières et d’échelles, je dresse des analogies : entre les squelettes des corps et ceux des édifices, une bande de plâtre et un filet de sécurité sur un échafaudage, le bip des machines de soin et de chantier… Je questionne le rythme de perpétuelles constructions/déconstructions, et la manière dont un corps humain comme un bâtiment peuvent renfermer une blessure cachée ou une maladie invisible. Je veux aussi évoquer l’épuisement des ouvrier·ère·s et du corps médical, qui tentent d’éviter l’implosion pour continuer de prendre soin.

Quelle expérience veux-tu faire vivre au·à la spectateur·rice ?
Lui proposer des tableaux vivants qui jouent du « déjà là » : en mettant en scène des textes slam mêlés à des ambiances sonores, de la musique, des matières inspirées des esthétiques du chantier et de l’hôpital, en dialogue avec le contexte bâti – en chantier, emmuré, abîmé… Je prévois des moments tour à tour intimistes, loufoques ou charnels : activer des protocoles de proximité pour récolter des paroles, ausculter un mur, faire sortir mon violon d’une façade… Et pourquoi pas réanimer collectivement un bâtiment dans le coma ?

Présentation vidéo du projet

Interview et captation vidéo réalisées lors des Esquisses, en juin 2023.
Ces Esquisses sont des présentations de maquettes des Projets Personnels de Création menés pendant la formation supérieure de la FAI-AR.