Performeuse couteau suisse

Lou
Montézin

Lou Montézin est une performeuse tous terrains qui joue à tisser différents médiums dans sa pratique : le théâtre-corps, le corps dansant, la danse poreuse…
Elle se forme aux arts appliqués à l’école Auguste Renoir, puis au théâtre au Conservatoire du VIIᵉ arrondissement de Paris et à l’université Paris VIII.
En parallèle, elle intègre la classe de Nadia Vadori-Gauthier, où elle explore les techniques de BMC, d’improvisation instantanée et de Contact Improvisation. Elle est alors invitée à performer avec le Corps-Collectif.

Elle quitte la France et décolle pour la Nouvelle-Zélande. Peu à peu, elle s’éloigne des sentiers battus et de la vie urbaine. Elle nomadise son travail dans différents pays pendant plusieurs années à travers la vidéo, la musique improvisée, l’écriture, la performance et le dessin.
Aux États-Unis, elle rencontre le musicien et performer Aaron Georges Baker, avec qui elle réalise plusieurs courts-métrages et clips vidéo. Sur les routes du Far West, ils donnent des concerts de bar en bar. Ils enregistrent un album dans les forêts de Redwoods, en orchestre avec les biches et les rapaces.

Elle termine son périple en se formant auprès de Daria et Anna Halprin au Tamalpa Institute, en Californie, ainsi qu’auprès de S. Haufman Soto, Ken Otter et Dohee Lee.

De retour à Marseille, elle commence à travailler principalement dans l’art de rue, pour des lieux non dédiés et des publics dits « prioritaires », avec la Cie Erd’O, Vague, Robin Decourcy, Malaxe, Amare…

À 32 ans, elle choisit de s’offrir du temps pour découvrir et se concentrer sur son propre univers, à travers la FAI-AR, où elle compte bien fouiller, rechercher, renifler, altérer… et peut-être, qui sait, trouver un sens à tout ce qu’elle a récolté depuis plus d’une décennie dans sa boîte à outils.

Sonne-Cloche

Sonne-Cloche est le Projet Personnel de Création porté par Lou, entre septembre 2024 et mai 2025, dans le cadre de la formation supérieure.
L’interview ci-dessous a été réalisée et retranscrite en mai 2025 par Julie Bordenave.

Sur des bandes sonores retrouvées dans une cave familiale, Lou Montézin redécouvre la voix de sa grand-mère, enregistrée avant que la maladie d’Alzheimer n’altère sa mémoire. Portée depuis longtemps par des questions autour de la transmission et de la résilience, elle y trouve les racines de Sonne-Cloche : une évocation sensorielle de la psychogénéalogie, des histoires et légendes familiales dont nous héritons, parfois dans le silence ou le non-dit, assortie de la nécessité de s’en émanciper pour rompre des cycles qui se répètent, souvent à notre insu.
Sonne-Cloche est un spectacle de danse qui propose aux spectateur·rices une expérience de l’ordre du rêve éveillé, une entrée en hypnose douce faisant résonner les scènes traversées avec l’histoire singulière de chacun·e, venant effleurer, déplacer peut-être, une mémoire appartenant tant à l’inconscient collectif qu’individuel.
De jour ou au crépuscule, dans des lieux en creux, une déambulation guidée au rythme du·de la spectateur·rice mène jusqu’à un dénouement fixe. Un comédien invite le public à passer de l’autre côté du miroir, à plonger avec lui dans différentes strates de conscience. Sur le chemin, elleux rencontre trois figures – les Chimères ou Mals-Mortes -, ancêtres bloqué·es dans des boucles spatio-temporelles. Saul, leur descendant, cherche à percer le secret pour libérer sa lignée et s’alléger d’un passé non résolu.

Chacune des trois figures évolue dans un univers cinématographique, rejouant inlassablement un événement traumatique de manière symbolique, le temps d’une saynète gestuelle et sonore, ancrée chacune dans une époque différente. Les boucles qui les enferment se diffractent, se reconfigurent à mesure que Saul les investit. Les tableaux se révèlent peu à peu par glissements, tensions, accumulations. Allant de l’une à l’autre à son rythme, le·la spectateur·ice croise sur sa route des installations scénographiques évocatrices : émergeant hors sol telles des bulles, elles appellent l’univers des secrets de famille.
Fragmentée, à l’image d’une fresque à reconstituer, la dramaturgie travaille la question du trou et de l’effacement, révélant par bribes l’histoire d’une lignée. Sonne Cloche prévoit d’investir des lieux fantomatiques – friches, carrières, forêts, parkings, bâtiments désaffectés. À terme, le spectacle pourrait intégrer un chœur transgénérationnel constitué sur chaque territoire d’accueil, en marge d’actions socio-culturelles menées tout au long de la création, autour de la mémoire et des ancêtres.

Quelles dimensions vous intéressent particulièrement dans la création en espace public ?
Je suis vite sortie de la salle – pour ne plus y retourner. J’ai envie de faire du spectacle en dialogue avec les lieux, leurs usages, leurs accidents. J’ai joué dans des parcs la nuit, en lisière, pour des villages entiers. Ce sont la nature et les lieux non dédiés qui m’inspirent.

De quelle manière votre approche dans ce domaine a-t-elle évolué au cours de la formation ?
Le travail sonore a accompagné mon parcours. Des collaborations avec des circassien·ne·s et danseur·se·s m’ont révélé une capacité à créer in situ, sur des temps très courts, en lien avec les corps, les matières, les espaces investis et leurs contraintes.

Quelles prochaines étapes envisagez-vous pour la suite de votre travail de création ?
J’aimerais mener des actions culturelles autour de la psychogénéalogie. Tisser des liens avec écoles, EHPAD, MJC… pour nourrir Sonne-Cloche de récoltes sensibles : récits, corps-souvenirs, mots-corps. Je conçois l’action culturelle comme un espace en écho, où les vivants reviennent au cœur de la fiction.

Présentation vidéo du projet

Interview et captation vidéo réalisées lors des Esquisses, en mai 2025.
Ces Esquisses sont des présentations de maquettes des Projets Personnels de Création menés pendant la formation supérieure de la FAI-AR.

Photo projet : ©FAI-AR | Texte projet : ©Julie Bordenave | Vidéo esquisse : ©Smelly Dog Films