Bricoleur de projets

Aram
Pou Clavell

Sa mère dit de lui :

Chez nous, les grands-parents disent qu’un “Aram” est un ustensile en cuivre, un métal noble, ductile et malléable qui, lorsqu’il est cuit, prend une forme qu’il ne quitte jamais. Lorsque nous avons choisi son nom, nous n’y pensions pas, mais le temps nous a montré que c’était le bon nom, il le définit, non seulement pour l’honnêteté de son caractère, mais aussi pour sa capacité à s’adapter à n’importe quelle situation avec ductilité, mais sans perdre la force de son caractère. Aussi pour la couleur rouge métallique que ses cheveux reflètent parfois, et même parce que, comme le dit l’expression, il est aussi maigre qu’un fil d’Aram (cuivre).
La scène est son espace. Il aime s’y déplacer sur la pointe des pieds, avec légèreté, au rythme d’une mélodie, autant que monter sur les cintres des théâtres, ou écrire une dramaturgie, et, surtout, son attitude calme conduit celles et ceux qui l’entourent, pour que tout se fasse dans un bon contact.

Il dit de lui :

D’aussi loin qu’il se souvienne, Aram s’est impliqué dans des associations et des collectifs qui se sont organisés pour donner vie à sa petite ville natale en Catalogne. Il apprend ainsi à valoriser et à connaître la culture populaire, faite par des gens passionnés, avec beaucoup d’initiative et peu de moyens. Entouré de sa famille et de ses amis, il découvre la rue comme terrain de jeu. À cette époque, les pièces de ce jeu sont le feu, la pyrotechnie, les échasses, des constructions de toutes sortes, des tambours et autres instruments, des cordes et des géants.

Dans son adolescence précoce, il commence à s’entourer de personnes passionnées par le cirque et à passer des heures dans les rues et les parcs à s’entraîner au monocyclisme, au funambulisme et à la jonglerie. Enfin, à l’âge de 17 ans, il découvre que cela peut devenir sa pratique quotidienne et rejoint l’école de cirque Carampa à Madrid. C’est là qu’il découvre jusqu’où peut aller l’obsession de la technique et réalise que ce ne sera pas sa voie, car il aime trop de choses pour n’en choisir qu’une.

Il entreprend alors des études en arts du spectacle à l’école universitaire ERAM – UDG, qu’il combine avec une vie intense dans une communauté rurale. À travers cette dualité, il se souvient que le contact avec la terre et l’environnement naturel est quelque chose de fondamental pour lui et que sa construction en tant qu’artiste n’a pas de sens si elle ne s’accompagne pas d’une compréhension profonde de sa relation avec ces éléments.

Il est actuellement à la FAI-AR. Au cours de ces deux années, il cherche à comprendre comment ses connaissances en matière d’arts vivants peuvent être mises en relation avec le milieu rural et les espaces naturels. A la recherche d’une manière de faire de l’art qui soit en accord avec ses valeurs personnelles et ses intentions politiques.

Courir les bois

Courir les bois est le Projet Personnel de Création porté par Aram, entre septembre 2024 et mai 2025, dans le cadre de la formation supérieure.
L’interview ci-dessous a été réalisée et retranscrite en mai 2025 par Julie Bordenave.

Aram Pou Clavell axe sa démarche autour de la relation humaine avec la forêt, de la manière dont le paysage nous transforme, et inversement. Du cirque, sa discipline initiale, il conserve un attachement à la verticalité, mettant l’essence de son savoir-faire au service d’une pratique exclusive : l’escalade en forêt. Son équipe travaille à développer de multiples manières de grimper aux arbres – avec des cordes comme les élagueurs, en inventant d’autres accessoires ou agrès, tel un mât doté d’un crochet permettant de se hisser aux branches… S’inspirant tant des peuples arboricoles que des travailleurs du bois, il souhaite ne plus réduire la grimpe à un événement insolite ou incongru, présupposé comme dangereux ou spectaculaire, mais la réintégrer à notre vie quotidienne comme une habileté à (re)découvrir. Par la monstration, il s’agit aussi de contribuer à réhabiliter cette compétence oubliée, voire à la réintégrer dans une pratique quotidienne, interrogeant tout à la fois nos usages et modes de vie. Une manière de lier le cirque à une question anthropologique.
Courir les bois prévoit plusieurs déclinaisons : une déambulation forestière, faisant de l’ascension jusqu’à la cîme un moment partagé – spectaculaire dans sa beauté, son inventivité et sa nécessaire solidarité – ponctué de fantaisies paysagères à dénicher dans l’environnement. La matière physique pourra s’y mailler avec une matière orale – intégrant des paroles récoltées de l’ordre du théâtre documentaire, mais aussi un monologue militant, évoquant nos relations aux arbres et à la pratique de l’escalade, tantôt descriptif, tantôt poétique, ménageant une place à l’absurde. Aram Pou Clavell est aussi habité par l’envie de mener un projet de territoire sur le long terme, axé autour de la question du bois, rejoignant ses préoccupations sur la transformation du paysage et la relation humaine à la forêt. La filière bois et les métiers qui y sont liés sont un biais pour activer la conscience et assumer les responsabilités collectives autour du secteur : décrypter les abus liés à l’exploitation des matières premières, ouvrir discussion sur nos  besoins essentiels liés aux bois – construire, se chauffer, écrire… Début 2026, il prévoit un voyage de recherche dans les forêts primaires du Japon. 

Quelles dimensions vous intéressent particulièrement dans la création en espace public ?
En Catalogne, depuis que je suis petit, je fais partie de plusieurs groupes de culture populaire traditionnelle en espace public. Il s’agit presque d’un ADN familial ! J’ai abordé la FAI AR en me demandant comment mêler mes préoccupations politiques avec ma pratique artistique, dans le domaine par exemple du bénévolat environnemental.

De quelle manière votre approche dans ce domaine a-t-elle évolué au cours de la formation ?
J’ai choisi de parler de la forêt, in situ pour décupler mon propos. Toujours soucieux de trouver comment l’art peut apporter une contribution concrète à la question écologique, j’ai été lauréat d’un projet catalan croisant pratiques circassiennes et éducation environnementale. 

Quelles prochaines étapes envisagez-vous pour la suite de votre travail de création ?
J’envisage ma recherche sur une décennie, avec l’intention de creuser la question de notre relation à la forêt. A court terme, j’envisage deux formes simultanées : une forme légère destinée à tourner (Fy Nghoed, duo circassien en relation avec la question du travail, de l’artisanat, de l’outil et du geste autour de la filière du bois, pour 2026), et un dispositif plus ambitieux en termes de production et d’engagement sur le territoire, qui réclame au moins une semaine de présence avec une équipe de 4 à 8 artistes (Coureur.se des bois, à horizon 2025).

Présentation vidéo du projet

Interview et captation vidéo réalisées lors des Esquisses, en mai 2025.
Ces Esquisses sont des présentations de maquettes des Projets Personnels de Création menés pendant la formation supérieure de la FAI-AR.

Photo projet : ©FAI-AR | Texte projet : ©Julie Bordenave | Vidéo esquisse : ©Smelly Dog Films