Arpenteuse des lignes de désirs

Anissa
Zerrouki




Définition des lignes (ou chemin) de désirs : sentier façonné par l’érosion des passages répétés à pieds ou à pattes. C’est le chemin le plus libre d’un point à l’autre, contournant les tracés directifs.

Anissa Zerrouki, née en 1994, à Valence (Drôme). Très tôt, elle expérimente l’habitat comme un passage entre deux rives : la Drôme et l’Ardèche. La traversée régulière du Rhône nourrit son attachement pour le fleuve, qu’elle dessine à l’aquarelle enfantine.
D’une eau à l’autre, elle fait ses premiers pas au bord du barrage de Vidalon (nord Ardèche), avec son grand-père paysagiste, salopette bleue et gitane à la bouche. Le barrage alimente les turbines de la communauté ouvrière de l’usine à papier. Ensemble, et en autonomie, ielles soignent les rives, entretiennent un cabanon, organisent la kermesse, et puis pêchent.

À l’adolescence, elle délaisse les pinceaux pour le plateau de théâtre, découvert un peu par surprise. Elle participe aux créations en espace public du Festival Ambivalences (Comédie de Valence) avec Mythomanies Urbaines d’Eric Massé et Lancelot Hamelin (2011) et Le Cas Drôme-Ardèche de l’Agence ANPU (2012).
Là, elle entrevoit un chemin curieux, elle le suit, et tombe sur le panneau SUIS-MOI. Tel l’Oedipe de Pasolini, elle ferme les yeux, tourne sept fois sur elle même, et s’arrête face à un sentier à peine escarpé, qui la mène au Conservatoire Régional d’art dramatique de Grenoble et à la CPI de l’École Nationale Supérieure de la Comédie de Saint-Étienne. Là, elle parcourt goulûment les œuvres littéraires. Comment s’arpente physiquement un texte, de la page au plateau ? Interrogation obsédante.

Elle chemine alors sur la voie théâtrale en collectionnant dans sa besace des textes fétiches, et des rencontres pleines d’amitiés. Sur le trajet, elle assiste Maïanne Barthès (Cie Spell Mistake(s)) à la mise en scène de Prouve-le, une pièce jeunesse de Lucie Vérot au CDN – Comédie de Valence (Prix Célest’1 2020). Et joue Cry me a river, un face à face théâtral pour un·e spectateur·ice avec le Collectif Midi/Minuit à Grenoble.
En 2021-2020, elle est artiste invitée à la résidence Terrestre de la cie N+1 à l’Hexagone Scène Nationale Arts Sciences. Elle y réalise un laboratoire de promenades urbaines avec les habitant·e·s, fait marcher à l’aveugle une communauté de scientifiques au bord de la rivière Isère, et performe Les Témoins du Futur, un récit d’anticipation sur les droits des éléments terrestres avec l’auteur et juriste Camille de Toledo.

En parallèle, elle mène une recherche sur les écritures situées au sein du Master Création Artistique entre l’Université de Grenoble et l’Alma Mater Studiorum di Bologna (Italie). Elle y compose une pièce-promenade ornithophile nourrie d’une expérience de recherche-création avec le projet scientifique « Écouter le terrain : pratiques chorégraphiques situées en partage » du PerformanceLab (UGA), coordonné par Séverine Ruset (chercheuse) et Gretchen Schiller (chorégraphe-chercheuse) et le Pacifique Centre de Développement Chorégraphique National de Grenoble.
Elle prend part aux créations, Yué#sororité de Myriam Soulanges, Anne Meyer et Guy Cabon ; Danse Ancienne de Rémy Héritier ; Nulle Part & Partout de Myriam Gourfink et le workshop itinérant Magnifique Aventure avec Yaïr Barelli et Maki Suzuki, tout en réalisant les archives orales de ces processus créatifs.

À la FAI-AR, Anissa affirme sa démarche de poétesse, fondée sur le théâtre, l’ethnographie et l’écoute du Vivant par les pieds pirates.