Théâtre corporel / comédienne, metteuse en scène

Lidia
Cangiano

Formée à la danse et au théâtre physique de Lecoq et Decroux, Lidia Cangiano mène des projets artistiques dans de nombreux contextes sociaux difficiles. À partir de 2006,

explorant la dimension urbaine de Berlin, elle travaille le théâtre masqué de la Familie Flöz et elle cofonde un réseau européen ; avec le Collectif Karmanoia, elle occupe un théâtre désaffecté de Neukölln. En Amérique de 2009 à 2011, elle se forme auprès du Bread and Puppet dans une communauté du Vermont.

À Buenos Aires, elle initie, avec le groupe Catalinas Sur, un projet mêlant théâtre et écologie avec les jeunes du quartier défavorisé de La Boca. Depuis 2013, de l’Allemagne à la Turquie, elle interroge les limites de l’Europe : lors d’une résidence autour de la crise syrienne avec le Koçe théâtre d’Istanbul ou encore comme comédienne pour le théâtre documentaire de la compagnie allemande unitedOFFproductions.

Intention artistique

De ses nombreuses expériences européennes et internationales, Lidia Cangiano ramène la pratique d’un théâtre physique, doublé d’un travail sur la puissance performative de la parole et de l’image. Convaincue de la capacité de transformation sociale par l’art, elle souhaite énoncer et transcrire des faits de société, dans une démarche éthique et esthétique de recyclage de matières, de bâtiments, de paroles…

Prenant le réel comme matière, ses projets nécessitent un temps d’immersion pour créer à partir d’un contexte. Sa conception citoyenne du rôle de l’artiste implique des temps de rencontre avec habitants, usagers ou corps de métier qui font, inventent et occupent l’espace. Le storytelling étant un moyen de leur rendre dans la dignité une partie des usages de ce bien commun, qu’ils soient réels (matériaux, immeuble désaffecté) ou symboliques (réappropriation d’un pan de son histoire).

Durant son cursus à la FAI-AR, elle découvre la réalité du centre hospitalier de La Timone. Figure architecturale tutélaire de Marseille depuis les années 70 – timone signifie volant, gouvernail –, l’hôpital se présente comme une véritable ville verticale au cœur de la ville, régie par ses propres codes. Numeta, architecture de la chute évoque un quotidien complexe, parfois dysfonctionnel ; les paradoxes d’un système de santé tiraillé entre une infrastructure vieillissante et des progrès technologiques ; l’inflexibilité d’une hiérarchie rappelant tantôt le système carcéral ou militaire ; une communication défaillante ayant conduit récemment à de funestes erreurs médicales. Au cœur d’une installation, l’artiste relate la traversée de ces strates souterraines de nos sociétés où se jouent la vie et la mort, la vulnérabilité d’un être humain face à un corps médical sous pression, mettant en jeu usages sociaux comme croyances religieuses.

Elle souhaiterait ultérieurement ancrer ce projet au cœur du quotidien hospitalier, peut-être en imaginant un dispositif artistique dans les services de réanimation. Dans la poursuite de cette recherche, elle développerait une collection de récits édités sous forme théâtrale et plastique – comme une tentative de trouver un dialecte commun autour du bassin méditerranéen.

TUTRICE / Hildegard de Vuyst, dramaturge / Festival de Marseille, Les Ballets C de la B (Gand)

Textes de Julie Bordenave.